1. La gestion de l’alimentation entérale
Passage de l’Alimentation nocturne a l’alimentation diurne
Après la pose d’un bouton de gastrostomie, une alimentation nocturne est souvent mise en place afin de libérer l’enfant pour les activités de la journée. Ceci peut poser un certain nombre de problèmes :
- Le sommeil est de moins bonne qualité car le système digestif est sollicité
- Les sécrétions sont parfois plus importantes au réveil
- Un nauséeux est parfois présent sur les premières heures de la journée
- Le sommeil de l’enfant et des parents est interrompu par des alarmes, le décrochage inopiné du prolongateur, le changement de la poche etc…
- Le rythme circadien n’est plus respecté et le rythme de la journée n’est plus marqué par les temps de repas
Il est donc plus adapté de transférer les quantités (la totalité ou une partie) sur la journée en respectant les horaires des repas (4 repas sur la journée) en complétant le soir si besoin en assurant une période de 7 à 8 heures sans apport alimentaire ( de minuit à 7 heures du matin par exemple).
Passage à une alimentation par bolus
Cette approche permet de passer d’un repas sur une heure ou plus à un temps de repas de 20 à 30 minutes chez l’enfant qui le supporte. Des essais sont à faire dans un premier temps avant de passer à la seringue ou la tulipe, avec l’accord du médecin.
Ceci se rapproche de la digestion normale avec la sensation d’un estomac plein.
Le bolus permet aussi à l’enfant d’être présent à table avec le reste du groupe (familial ou autre) et de participer aux activités comme les autres.
Preparation à la digestion
Le système digestif fonctionne mieux lorsqu’il est informé. Lorsque l’on provoque la salivation par une stimulation olfactive ou gustative, les mouvements péristaltiques de l’œsophage démarrent et l’estomac sécrète des sucs gastriques qui permettent de digérer les aliments. Ceci permet une meilleure digestion et donc une meilleure assimilation des nutriments.
Cette stimulation peut être proposée quelques minutes avant le repas et pendant la prise alimentaire.
Retrouver les capacités nécessaires a une alimentation orale
Lorsque le résident est alimenté par voie entérale, les informations qui ont été mémorisées par le cerveau sont rapidement effacées. Il nous faut donc aider l’enfant à « apprivoiser » la nourriture, à retrouver les informations sensorielles liées aux repas et à construire les praxies bucco-faciales nécessaires pour gérer l’alimentation au mieux.
Stimulations visuelles, olfactives et tactiles
L’enfant qui n’est pas stimulé oublie très rapidement tout ce qui touche à la bouche mais il se souvient fréquemment que c’est une zone qui a été maltraitée à un moment ou un autre de sa vie (intubation, fausse-route, prise de médicaments, forçage alimentaire, chirurgie etc…).
Stimulations visuelles
La simple vue des aliments peut provoquer le dégoût chez certains enfants. Il faut alors les habituer graduellement à observer la préparation des repas, leur présentation et à la prise du repas en famille (ou en groupe). La participation en cuisine est également un moment idéal pour regarder, sentir, manipuler et observer la modification de certains aliments cuits puis moulinés.
Stimulations tactiles
L’enfant apprend graduellement à se protéger de tout ce qui s’approche de ses mains, de son visage ou de sa bouche : il verrouille la bouche à l’approche de la cuillère ou de la brosse à dents ; il serre les poings et ne joue pas ; il repousse le gant pour lui laver le visage.
Pour qu’il puisse graduellement intégrer les stimuli qui sont vraiment désagréables dans un premiers temps, il faut les présenter sur un tout petit temps à plusieurs reprises sur la journée : au moment du change, masser les mains, le visage et la bouche en associant des comptines à vos gestes. Même si le brossage des dents est difficile, il faut persévérer, non seulement pour assurer une bonne hygiène dentaire, mais pour habituer la bouche au contact de la brosse (doigté en silicone, brosse à dents NUK, brosse à dents traditionnelle ou électrique). Ce brossage peut être fait après chaque repas.
L’on peut aussi proposer à l’enfant de tester des textures différents sur les mais, puis le visage, puis la bouche. Le refus initial sera remplacé par une acceptation puis le plaisir de découvrir.
(voir les fiches d’activités dans « L’accompagnement Parental à La Carte »)
Stimulations olfactives et gustatives
L’enfant qui est présent pendant la préparation du repas et qui est installé à table avec le reste de la famille (ou du groupe) profite des odeurs des aliments.
Il est possible de lui proposer une stimulation olfactive à d’autres moments de la journée avec d’autres supports tels le loto des odeurs (ou des saveurs), les livres pour enfants qui proposent de gratter et de sentir des odeurs variées ou les odeurs de produits de toilette. Il est préférable de ne pas placer le livre ou la petite capsule contenant le stimulus juste sous le nez de l’enfant qui peut réagir de façon violente. De même, deux à trois essais sont largement suffisants car au-delà de ce nombre, l’enfant n’intègre pas aussi bien ce qui est perçu.
N’hésitez pas à varier les saveurs de ce que vous lui faites goûter, que ce soit juste déposé sur les lèvres ou dans la bouche, à l’aide du doigt ou de la cuillère.
Les praxies bucco-faciales
Pour pouvoir manger, l’enfant doit apprendre à fermer la bouche autour de l’aliment, à mobiliser sa langue pour sucer et téter et enfin, à avaler en basculant la bouchée dans l’œsophage. Ceci nécessite qu’il puisse sentir ce qui se passe, qu’il puisse mobiliser ses lèvres et sa langue pour effectuer une série de mouvements fins et coordonnés.
Chacune de ces capacités doit être travaillée de façon isolée et ensuite dans une séquence bien précise, soit sur le temps du repas, soit en dehors du repas.
L’enfant n’a accès à une réelle mastication qu’à l’âge de six ans. Il lui faut donc de nombreuses années d’apprentissage avant de pouvoir réellement mastiquer un aliment solide. Il en est de même avec l’enfant qui passe d’une alimentation entérale à une alimentation orale. Malgré notre désir de les voir gérer une alimentation en morceaux, il ne faut pas oublier qu’il y a une longue période de malaxage et d’apprentissage nécessaire avant d’y arriver.
(voir les fiches d’activités dans « L’accompagnement Parental à la Carte »)
Le jeu symbolique
Chez l’enfant, l’une des façons de lui permettre d’appréhender toutes ces informations simultanément sans se trouver en difficulté est le jeu symbolique. En effet, dans cette forme de jeu, il n’y a aucune attente de la part de l’adulte de prise alimentaire de sa part. Il est donc libre d’explorer, de manipuler, d’utiliser des outils qu’il va retrouver à table et de s’accoutumer à différentes textures (pâte à sel, pâte à tarte, pâte à modeler, diverses graines et des liquides variés). Cette stimulation multimodale est celle qui va s’approcher le plus de la prise d’un repas avec les informations visuelles, auditives, olfactives, tactiles, proprioceptives. Il peut aussi pratiquer les gestes qui permettent de porter à la bouche, de verser, de piquer, de couper etc….
Le début de la prise alimentaire
Ceci est possible en l’absence de fausse-route. La présence de fausse-routes répétées est une indication pour une alimentation entérale exclusive.
Une fois que l’enfant a développé toutes les capacités mentionnées ci-dessus, la façon de procéder est bien plus individualisée. En effet, certains d’entre eux vont spontanément goûter les plats présentés à la table en famille (ou en groupe) et graduellement augmenter les quantités prises.
D’autres vont accepter de les manipuler et de les goûter sans pour autant arriver à des quantités nutritives. C’est donc aux parents (ou aux personnes qui les encadrent à table) de proposer une petite quantité prise par voie orale à l’un des repas (le goûter par exemple) puis à plusieurs repas, tout en complétant par une alimentation entérale. Il s’agit alors d’une alimentation mixte qui convient à beaucoup d’enfants.
Le passage à une alimentation orale exclusive est plus complexe lorsque l’enfant a intégré le bouton de gastrostomie dans son schéma corporel. Il ne comprend pas pourquoi il devrait faire autrement et il s’accroche à ce qu’il a toujours connu, présentant le prolongateur à l’adulte lorsqu’il a faim. Selon l‘âge de l’enfant et ses capacités, il faut lui expliquer et l’accompagner au mieux dans cette démarche.
Isabelle Barbier Orthophoniste